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La Cnam propose une série de mesures pour contrôler la hausse des arrêts de travail

Les arrêts maladie n’ont jamais été aussi nombreux, ni aussi scrutés par l’Assurance maladie. En amont du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, la Cnam a publié son rapport annuel « Charges et Produits », dans lequel elle cible particulièrement le ralentissement des dépenses liées aux indemnités journalières, en hausse de 5 à 8 % par an depuis une décennie.

Alors qu’elle lançait cette semaine une campagne de contrôle ciblant les 500 médecins généralistes « les plus prescripteurs » d’arrêts maladie, la Cnam propose dans ce rapport une série mesures à destination du gouvernement pour réduire les arrêts courts et longs. Tour d’horizon de ces mesures, qui responsabilisent particulièrement les médecins et les employeurs.

Réduire la primo-prescription

Aujourd’hui, certains arrêts initiaux (appelés primo-prescriptions) peuvent ouvrir droit à indemnisation pendant plusieurs mois, sans réévaluation médicale intermédiaire. Au-delà de l’objectif affiché de proposer un « meilleur suivi » aux patients, la Cnam entend aussi et surtout réduire ce qu’elle considère comme des arrêts longs « pas ou plus justifiés ». Elle propose donc de limiter la durée maximale des primo-prescriptions à 30 jours (hors exceptions), et à mieux encadrer les prolongations.

Par ailleurs, le rapport propose de renforcer la traçabilité des prescriptions, en intégrant dans les formulaires d’avis d’arrêt de travail :

  • Des motifs médicaux plus précis ;
  • Des durées de référence moyennes par pathologie ;
  • Un accès facilité aux antécédents d’arrêt du patient pour le médecin prescripteur.

Télétravail pour raison de santé : vers un droit opposable à l’employeur ?

Autre piste de la Cnam, permettre aux médecins de prescrire du télétravail pour raison médicale à la place d’un arrêt complet. L’objectif ? Éviter l’éviction totale du salarié lorsque son état de santé ne justifie pas un arrêt complet mais rend difficile une présence sur site. Déjà pratiquée officieusement, cette alternative pourrait devenir opposable à l’employeur. Autrement dit, le médecin pourrait prescrire du télétravail à la place d’un arrêt, et l’employeur serait obligé de s’y conformer, sauf à prouver que c’est impossible (absence de poste télétravaillable, impératif de présence physique…).

Un bonus-malus pour les employeurs ?

Pour lutter contre l’absentéisme de courte durée, la Cnam a également émis l’idée d’installer un mécanisme de bonus-malus pour les entreprises. Autrement dit, celles dont le taux d’absentéisme diminue ou reste faible pourraient être récompensées, et celles dont le taux d’absentéisme augmente ou stagne par défaut d’outils de prévention (comme la vaccination en entreprise contre la grippe), pourraient être pénalisées.

La Cnam souhaite ainsi impliquer davantage les employeurs dans la prévention des risques professionnels et la gestion des arrêts. Une logique qui pourrait toutefois risquer de creuser les inégalités entre secteurs, tant les expositions au risque et les conditions de travail varient.

Délais de carence : vers un transfert de charge sur les employeurs ?

Un autre levier, et pas des moindres, évoqué par la Cnam : décaler la prise en charge des indemnités journalières à partir du 8e jour, en reportant la charge des jours 4 à 7 sur l’employeur.

▶ Aujourd’hui, l’Assurance maladie commence à indemniser les salariés à partir du 4e jour d’arrêt, après 3 jours de carence (non payés, sauf accord d’entreprise). La Cnam propose que cette prise en charge n’intervienne qu’à partir du 8e jour, ce qui ferait supporter une partie du coût des arrêts aux employeurs (les jours 4 à 7).

Une mesure déjà envisagée et retirée du PLFSS 2024 sous pression patronale, que la Cnam remet sur la table, et qui s’inscrit dans la logique de désengagement progressif de la Sécurité sociale sur les arrêts maladie.

Les affections de longues durée non exonérantes dans le viseur

Parmi les arrêts longs, les affections de longue durée (ALD) non exonérantes sont particulièrement visées : syndromes dépressifs et anxiodépressifs, lombalgies…. Ces pathologies, bien que non classées comme ALD, peuvent donner droit à jusqu’à trois ans d’indemnisation sans condition de protocole de soins formel. La Cnam y voit un risque de contournement des dispositifs d’invalidité ou de maladie professionnelle, et pointe un défaut de suivi médical qui favoriserait la désinsertion professionnelle.

Vers un contrat de prévoyance « responsable » ?

Par ailleurs, pour mieux protéger les salariés en arrêt longue durée - qui risquent souvent une perte de revenus importante -, la Cnam propose de créer un nouveau type de contrat de prévoyance « responsable », qui consisterait à :

  • Renforcer l’indemnisation des arrêts longs, en obligeant l’employeur (via la complémentaire) à verser un complément de salaire pendant toute la durée de l’arrêt (par exemple, + 10 % en plus des 50 % pris en charge par l’Assurance maladie) ;
  • Limiter l’indemnisation des arrêts courts, avec un plafond à 90 % du salaire net.

En échange, ce contrat bénéficierait d’un régime fiscal incitatif, à l’image des autres dispositifs de santé dits « responsables ».

Garantir l’accès aux droits, même pour les plus précaires

Dernier axe du rapport, la Cnam entend rendre les conditions d’indemnisation plus équitables, quel que soit le statut ou le contrat du salarié.

▶ Aujourd’hui, certains travailleurs précaires ou indépendants sont moins bien couverts que les salariés « stables ». La Cnam propose donc :

  • D’harmoniser les règles d’ouverture de droits, pour que tous les assurés -salariés ou indépendants, en CDI ou en CDD - puissent accéder à la prévoyance ;
  • De rendre obligatoire la subrogation, auquel cas les employeurs avanceraient les indemnités journalières (maladie ou maternité, par exemple), en étant ensuite remboursés par la Sécurité sociale. Cela éviterait au salarié d’attendre son indemnisation et lui garantirait un revenu sans interruption.

Un enjeu politique et budgétaire

Toutes ces propositions nourriront, comme chaque année, les arbitrages du gouvernement pour le projet de loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne.

On peut toutefois se demander : pourquoi porter une telle attention sur les arrêts maladie ? Pour justifier cette pression, l’Assurance maladie avance un chiffre-clé : près de 40 % de la hausse des dépenses liées aux arrêts maladie serait « inexpliquée ». Les facteurs « reconnus » par l’organisme, que sont le vieillissement de la population active et les conditions de travail dégradées dans certains secteurs (santé, social, BTP notamment), ne couvriraient en effet que 60 % des arrêts. Les syndicats, eux, rétorquent en expliquant ces chiffres « manquants » par d’autres éléments structurels :

  • La hausse des troubles psychiques et de la souffrance au travail amplifie les demandes d’arrêts ;
  • Le manque d’accès aux spécialistes qui oblige les généralistes à renouveler les arrêts par défaut ;
  • La lenteur de reconnaissance de certaines invalidités qui pousse les praticiens à empiler des arrêts temporaires ;
  • Le Covid long, estimé à près de 2 millions de cas, qui continue de générer des arrêts prolongés.

Une complexité et imbrication de facteurs que le rapport de la Cnam ne semble pas explicitement mentionner.

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