Rémunération
Suppression de deux jours fériés : Bayrou maintient le cap, les syndicats se préparent pour une rentrée explosive
François Bayrou persiste dans son projet de suppression de deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai, pour rétablir les comptes publics, avec un objectif de 4,2 milliards d'euros supplémentaires. Cette annonce provoque une forte réaction des syndicats, qui dénoncent un 'passage en force' et envisagent des mobilisations d'ampleur. Malgré les préavis de grève déposés, les économistes mettent en question le bien-fondé de cette mesure, soulignant que cela pourrait engendrer un conflit social majeur à la rentrée.

Le Premier ministre François Bayrou persiste dans son projet de supprimer deux jours fériés, le lundi de Pâques et le 8 mai, pour rétablir les comptes publics. Objectif affiché : dégager 4,2 milliards d’euros supplémentaires dès 2026… Quitte à demander aux salariés et fonctionnaires de travailler deux jours gratuitement.
Les salariés « ne seront pas rémunérés davantage pour ces nouvelles heures de travail »
Dans un courrier adressé en catimini aux partenaires sociaux le vendredi 8 août, François Bayrou justifie ce projet de suppression par le fait que cette période de l’année comprend de nombreux jours fériés. Inspirée du mécanisme du lundi de Pentecôte travaillé, la mesure prévoirait que les salariés du public et du privé travaillent deux jours de plus par an sans rémunération supplémentaire, tandis que les employeurs du privé verseraient une contribution affectée au budget de l’État.
Le Premier ministre insiste : « Il faut bien que ce travail supplémentaire soit réalisé », tout en se disant ouvert à discuter d’autres dates que celles proposées. Des aménagements spécifiques pourraient être prévus pour l’Alsace-Moselle et Saint-Pierre-et-Miquelon, où le droit local en matière de jours fériés diffère.
Dialogue social sous haute tension
Cette annonce s’inscrit dans un contexte de relations déjà dégradées entre le gouvernement et les syndicats, également sollicités pour négocier une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, susceptible d’économiser 4 milliards d’euros à l’horizon 2030. Les partenaires sociaux doivent indiquer avant le 1er septembre s’ils souhaitent participer aux discussions, prévues pour s’achever « au plus tard » le 30 septembre.
La réaction des syndicats ne s’est pas fait attendre. Dénonçant un « passage en force » et un « déni de démocratie sociale », CGT, CFDT, FO, CFE-CGC et CFTC se sont fendus d’un communiqué commun pour dénoncer la manœuvre.
« Les organisations syndicales regrettent profondément cette précipitation du gouvernement et avertissent solennellement que nous sommes à un tournant social et démocratiques », indique notamment le communiqué de l’intersyndicale. Forts de plus de 300 000 signatures pour la pétition Stop budget Bayrou, les syndicats menacent d’une mobilisation d’ampleur dès la rentrée.
À l’AP-HP, un préavis de grève a déjà été déposé pour la fin août, tandis que FO a déposé un préavis de grève du 1er septembre au 30 novembre. En parallèle, le mouvement citoyen « Bloquons tout », qui appelle à paralyser le pays le 10 septembre, gagne en puissance sur les réseaux sociaux.
Même côté patronal, des voix s’élèvent : Michel Picon, président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) a alerté sur le risque de « mettre la pagaille dans le pays », sans garantie de gains de rentabilité pour les entreprises.
Un impact économique contesté
Si la mesure de François Bayrou été adoptée, cela représenterait, à l’échelle d’une vie professionnelle, plus de 4 mois de travail supplémentaire non rémunéré. Pour certains économistes, il s’agit tout simplement d’une hausse d’impôts qui ne dit pas son nom.
Et si Matignon chiffre le gain à 0,5 % d’activité supplémentaire, l’Insee se montre beaucoup plus prudent : selon ses estimations, chaque jour férié travaillé n’apporterait que 0,06 point de PIB, soit environ 1,6 milliard d’euros, bien loin des ambitions affichées.
Par ailleurs, plusieurs économistes rappellent que le problème français n’est pas tant le nombre d’heures travaillées par salarié que le faible taux d’emploi, notamment chez les jeunes et les seniors. Si en la matière la France parvenait à faire aussi bien que les meilleurs élèves européens, elle compterait 2,3 millions emplois de plus selon les économistes de Rexecode.
En s’obstinant sur ce dossier, François Bayrou prend donc le risque de transformer une mesure budgétaire présentée comme pragmatique en catalyseur d’un conflit social majeur. Entre un gain économique incertain, une symbolique lourde pour les salariés et un climat politique déjà fragilisé par l’absence de majorité solide, le Premier ministre joue ici une partie à haut risque. La rentrée s’annonce comme un véritable test de sa capacité à tenir son cap… ou à céder face à la rue.
Source image : service photographique de Matignon (13/12/2024)