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Vers un nouveau tour de vis sur l’assurance chômage et les ruptures conventionnelles ?

Le gouvernement s’apprête à ouvrir une nouvelle négociation sur les paramètres de l’assurance chômage. Il transmettra aux partenaires sociaux une lettre de cadrage d’ici la fin juillet, en vue d’un accord à trouver avant le terme de l’année 2025. Au cœur de la discussion : les conditions d’ouverture des droits, la durée d’indemnisation, et le traitement des ruptures conventionnelles.

Un nouveau durcissement de l’assurance chômage ?

Si la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet assure vouloir préserver le rôle de l’assurance chômage comme « filet de sécurité », elle précise dans le même temps que celui-ci devra « inciter davantage au retour à l’emploi ». L’exécutif ambitionne donc d’« affiner » les règles d’indemnisation, dans la droite lignée des précédentes réformes : durcissement des conditions d’accès, baisse de la durée d’indemnisation, sanctions relatives aux manquements au « contrat d’engagement »...

Les ruptures conventionnelles dans le viseur

Dans ce contexte, un changement important pourrait concerner les ruptures conventionnelles, dispositif utilisée par près de 500 000 salariés en 2024, qui permet une séparation d’un commun accord entre employeur et salarié, suivie d’une ouverture des droits au chômage. Le Premier ministre et la ministre du Travail ont évoqué des « abus », en référence aux situations dans lesquelles la rupture conventionnelle se substituerait à une démission (qui n’ouvre pas de droits au chômage), ou serait utilisée pour éviter un licenciement formel.

Le dispositif, bien que déjà encadré, semble être perçu comme un point d’entrée trop souple dans l’indemnisation. Plusieurs changements pourraient alors voir le jour, en aval de la négociation : modification des conditions d’accès d’indemnisation à la suite d’une rupture conventionnelle, indemnisation plus faible, allongement des délais de carence avant ouverture des droits, modulation de l’indemnisation selon le profil du salarié ou de l’entreprise… Toutefois, rien n’est encore tranché.

Un modèle allemand difficilement transposable

Pour appuyer ce durcissement global des conditions d’indemnisation, le gouvernement cite régulièrement d’autres modèles européens, notamment l’Allemagne, où il faut avoir travaillé 12 mois sur les 30 derniers mois pour ouvrir des droits, contre 6 mois sur les deux dernières années en France. Une comparaison qui demande toutefois à être nuancée : le modèle allemand repose sur un accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi, avec des services publics de l’emploi plus structurés, et des partenariats étroits avec les entreprises. Par ailleurs, des différences structurelles majeures entre deux pays rendent la comparaison difficile : pouvoir d’achat plus élevé, marché de l’emploi plus dynamique, taux de chômage historiquement plus bas, coût du logement moins élevé dans de nombreuses régions… Autant d’écarts de contexte qui devraient nous encourager à invoquer le modèle allemand avec plus de pincettes, d’autant plus lorsque la comparaison sert à justifier un durcissement des règles en France.

Une négociation express avant fin 2025

Le gouvernement prévoit donc de transmettre aux partenaires sociaux sa lettre de cadrage d’ici la fin juillet, afin de pouvoir ouvrir une nouvelle négociation sur l’assurance chômage avec un calendrier très serré : un accord est espéré d’ici la fin de l’année 2025, pour une mise en œuvre dès 2026.

Si un compromis est trouvé entre les partenaires sociaux, les nouvelles règles pourront être appliquées par décret (comme c’est souvent le cas pour l’assurance chômage), un mode de mise en œuvre qui évite un passage par le Parlement. En revanche, si aucun accord n’est conclu, ou si l’exécutif souhaite imposer des mesures non négociées, un projet de loi pourrait être déposé. Celui-ci devra suivre le circuit parlementaire classique, avec un examen à l’Assemblée nationale et au Sénat, avant d’être adopté.

Ces négociations marqueront donc un nouvel épisode dans la transformation du modèle social français, dans un contexte où la lutte contre les déficits publics pousse à une rationalisation des dispositifs de solidarité. Si le gouvernement promet de préserver l’équilibre avec les droits des demandeurs d’emploi, le risque est bien réel de voir ces réformes accentuer la pression sur les publics les plus précaires ou les plus éloignés de l’emploi, dans un marché du travail où la qualité des postes proposés reste très variable. Affaire à suivre…

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