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Un salarié en arrêt maladie peut-il percevoir ses IJSS tout en séjournant à l’étranger ?

Deux arrêts de la Cour de cassation du 5 juin 2025 viennent préciser dans quelles conditions un salarié en arrêt maladie peut ou non percevoir des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS) lorsqu’il séjourne temporairement à l’étranger.

Il ne s’agit pas ici du cas d’un salarié qui tombe malade à l’étranger, mais bien de celui d’un assuré déjà placé en arrêt maladie en France, et qui souhaite quitter le territoire français pour une durée plus ou moins courte, à des fins personnelles, familiales ou de convalescence. Un type de situation qui interroge sur le maintien des droits à indemnisation par l’Assurance maladie.

Les obligations de l’assuré en matière d’indemnités journalières

Pour bénéficier des IJSS, un salarié en arrêt maladie doit remplir certaines conditions. Il doit transmettre son arrêt dans les délais requis à sa caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), suivre les prescriptions médicales, respecter les heures de sortie autorisées, ne pas exercer d’activité non autorisée, et, surtout, se tenir à disposition du service médical de l’Assurance maladie pour d’éventuels contrôles. Le manquement à ces obligations peut entraîner la suspension du versement des IJSS.

La fin de l’autorisation préalable obligatoire pour quitter la France

Jusqu’ici, les CPAM se fondaient sur une disposition de l’article 37 de leur règlement intérieur (arrêté datant de 1947) pour exiger qu’un assuré en arrêt maladie obtienne leur autorisation préalable avant de quitter leur circonscription, sous peine de suspension des IJSS.

Or, le Conseil d’État, saisi d’une question préjudicielle, a jugé en novembre 2024 que cette disposition n’avait pas de base légale. Il a rappelé que les obligations imposées aux assurés en arrêt de travail sont énumérées par l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, et qu’aucune disposition législative ou réglementaire ne permet à une CPAM d’imposer une autorisation préalable pour un déplacement hors de sa circonscription.

Dans la foulée, la Cour de cassation a annulé, en juin 2025, un jugement qui s’était fondé sur cette règle pour justifier la suspension des IJSS à un salarié ayant voyagé à l’étranger « sans autorisation » : le fondement de la sanction étant sans base légale, celle-ci ne pouvait être maintenue.

Le contrôle médical, condition sine qua non au versement des IJSS

Cependant, la suppression de cette exigence formelle ne signifie pas pour autant qu’un assuré peut librement séjourner à l’étranger tout en continuant à percevoir ses IJSS. Dans un second arrêt du même jour, la Cour de cassation rappelle que l’assuré doit rester en mesure de respecter l’ensemble de ses obligations légales, au premier rang desquelles figure la possibilité pour la CPAM d’exercer un contrôle médical.

En conséquence, si le déplacement à l’étranger rend ce contrôle impossible, le versement des indemnités peut être suspendu. Dans l’affaire en question, c’est le cas d’une assurée partie en Tunisie durant son arrêt maladie pour visiter sa mère gravement malade, avec l’accord de son médecin traitant. Alors que le tribunal avait initialement jugé ce départ compatible avec son état de santé, la Cour de cassation a retenu que le déplacement avait pour effet de soustraire l’assurée à tout contrôle par la CPAM, ce qui suffisait à justifier la suspension des prestations.

Est-il même possible d’être « contrôlable » depuis l’étranger ?

En théorie, donc, rien n’interdit à un salarié en arrêt maladie de séjourner temporairement à l’étranger. Si l’assuré pouvait démontrer que son séjour n’empêchait pas un tel contrôle (par exemple, si une coopération administrative était possible entre États partenaires, ou encore une procédure de contrôle à distance prévue dans le cadre de conventions internationales), le maintien des IJSS ne serait pas exclu. Mais il n’existe pas à l’heure actuelle de mécanisme spécifique permettant à l’Assurance maladie française de mandater un contrôle médical dans un pays étranger.

À noter :


Certains textes européens ou conventions bilatérales de sécurité sociale entre la France et d’autres pays permettent, dans des cas limités, une certaine coordination des services de sécurité sociale.


Dans l’Union européenne, l’EEE et la Suisse, le règlement n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale permet à un assuré social résidant ou séjournant dans un autre État membre de continuer à bénéficier, dans certaines conditions, de prestations de maladie. Cela s’applique notamment :

  • Aux travailleurs frontaliers ;
  • Aux personnes envoyées temporairement à l’étranger ;
  • Aux retraités résidant à l’étranger ;
  • Aux touristes malades pendant un séjour temporaire (via la CEAM).


Mais dans ces cas-là, l’accent est mis sur les soins et les remboursements de soins, pas sur le contrôle d’un arrêt maladie prescrit en France.


La France a également signé des conventions avec plusieurs pays (Tunisie, Maroc, Québec…) qui organisent la coordination des régimes de sécurité sociale. Ces conventions peuvent prévoir :

  • Le droit à recevoir des soins sur place ;
  • Parfois, la prise en charge d’un arrêt maladie reconnu sur place ;
  • Dans quelques cas très particuliers, des échanges entre caisses pour validation des droits.


Ici encore, il ne s’agit pas de permettre un contrôle médical d’un arrêt prescrit en France pour un salarié français séjournant temporairement à l’étranger, mais de garantir la continuité de leurs droits à des assurés résidant à l’étranger de façon stable, ou en voyage, ou exerçant une activité transfrontalière.



L’avis du médecin traitant ne suffit pas à garantir l’indemnisation

Les arrêts du 5 juin 2025 de la Cour de cassation révèlent un autre point important : l’accord du médecin traitant, s’il constitue un élément d’appréciation, ne saurait à lui seul garantir la continuité du droit aux IJSS. En effet, seul le service médical de la CPAM est compétent pour contrôler la réalité de l’incapacité de travail et le respect des conditions d’indemnisation. L’avis du médecin traitant ne dispense donc pas l’assuré de ses obligations légales, notamment celle de rester à disposition de la CPAM pour un contrôle.

Verdict inchangé, fondement juridique renouvelé

La solution adoptée par la Cour de cassation n’est pas nouvelle dans son principe : la jurisprudence admettait déjà que les prestations maladie ou maternité n’étaient pas dues en cas de séjour hors de France. Ici, c’est plutôt le fondement juridique de la suspension des IJSS qui semble avoir évolué : ce n’est plus l’absence d’autorisation préalable qui la justifie, mais l’impossibilité de contrôle médical, fondée notamment sur les articles L. 111-1L. 323-6 et R. 323-12 du code de la sécurité sociale.

Les déplacements à l’étranger durant un arrêt maladie doivent donc être envisagés avec prudence. L’assuré doit s’assurer, au préalable, que les conditions de contrôle pourront être respectées, ce qui est impossible dans la majorité des cas, et rendra la suspension des IJSS inévitable.

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