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Prévoyance : la cessation de la portabilité est sans effet sur le versement des prestations nées durant cette période, juge la Cour de cassation

Dans un récent arrêt de la Cour de cassation (28 mai 2025, Pourvoi n° 23-13.796), la Cour de cassation apporte une nouvelle précision sur la portabilité : lorsque des salariés sont garantis collectivement, la cessation de la période de portabilité est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différéesacquises ou nées pendant la relation de travail ou durant la période de portabilité des garanties.

Focus sur les apports de cette décision.

Portabilité : de quoi parle-t-on ?

La portabilité est un principe permettant aux anciens salariés d’une entreprise de conserver gratuitement leur couverture de prévoyance (incapacité, invalidité et décès) et frais de santé dont ils bénéficiaient dans leur ancienne entreprise.

La législation limite la durée de la portabilité à la période d’indemnisation du chômage. Cette durée est par ailleurs doublement limitée :

  • Elle ne peut excéder la durée du dernier contrat de travail, ou des derniers contrats de travail consécutifs effectués chez un même employeur ;
  • Dans la limite globale de 12 mois.

Bien comprendre la durée de la portabilité

  • un salarié ayant travaillé 5 mois dans une entreprise aura une durée de portabilité qui ne pourra excéder 5 mois ;
  • un salarié ayant travaillé 15 ans dans une même entreprise voit sa portabilité limitée à 12 mois.


La portabilité des droits ne concerne que le régime de prévoyance et frais de santé du dernier employeur. Elle joue seulement en cas de rupture du contrat de travail non consécutif à une faute lourde, et donnant lieu à une prise en charge par l’assurance chômage.

De fait, ce droit est ouvert dans les cas suivants :

  • Licenciement individuel, quelle qu’en soit la cause, hormis la faute lourde
  • Licenciement économique
  • Rupture conventionnelle
  • Démission reconnue légitime par l’assurance chômage (exemple : suite à mutation du conjoint)
  • Fin de Contrat à durée déterminée (CDD) ouvrant droit à prise en charge par France Travail

Bien entendu, le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que le salarié ait adhéré au contrat collectif de l’entreprise avant la rupture de son contrat de travail. De ce fait, un salarié ayant fait valoir un cas de dispense d’adhésion à la complémentaire santé d’entreprise ne peut prétendre à la portabilité.

La Cour de cassation apporte une nouvelle précision en matière de portabilité : les faits

La requérante a été salariée d’une société qui avait souscrit un contrat collectif de prévoyance auprès d’un organisme assureur. Après la cessation de son contrat de travail, elle a bénéficié de la portabilité jusqu’au 22 janvier 2017.

Alors qu’elle est encore couverte via la portabilité commence pour elle un premier arrêt de travail (du 17 octobre 2016 au 14 mars 2018) au terme duquel elle perçoit des indemnités journalières de la CPAM.

Par la suite, elle est de nouveau placée en arrêt du 21 septembre 2018 au 29 août 2019, avant d’être placée en invalidité.

L’assureur lui a versé des indemnités au titre de la garantie « incapacité temporaire de travail » pour la période courant jusqu’au 14 mars 2018, mais a refusé de garantir l’incapacité postérieure à cette date, ainsi que l’invalidité subséquente. L’ancienne salariée l’a alors assigné devant un tribunal judiciaire en exécution de ces garanties.

La Cour d’appel estime que l’organisme assureur était dans son bon droit…

La Cour d’appel déboute la requérante.

Son argumentaire est le suivant : la salariée avait été « de nouveau placée en arrêt de travail à compter du 21 septembre 2018, et que cet arrêt de travail, quelle qu’en soit la raison et le lien avec la pathologie qui avait motivé l’arrêt de travail » entre 2016 et 2018, « était survenu après la fin de la période de portabilité fixée au 22 janvier 2017 ».

Les juges ont appliqué le même raisonnement pour l’invalidité survenue par la suite. Selon eux, le risque garanti par le contrat s’était réalisé après la fin de la période de portabilité. Par conséquent, l’organisme assureur n’était pas tenu d’indemniser la salariée à ce titre.

La requérante a formé un pourvoi en cassation en soutenant que la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale. Elle lui reprochait de ne pas avoir recherché, comme elle y était invitée, si l’arrêt de travail de 2018 et l’invalidité ultérieure étaient ou non la conséquence de la pathologie diagnostiquée le 17 octobre 2016, date à laquelle elle bénéficiait encore de la portabilité de ses droits.

… mais la Cour de cassation juge l’inverse

La Cour de cassation s’appuie sur les articles L.911-2 et L.911-8 du code de la Sécurité sociale pour rendre sa décision.

Elle rappelle que ces textes ont pour objectif de protéger les anciens salariés en leur permettant, sous certaines conditions, de continuer à bénéficier gratuitement des garanties collectives après la rupture de leur contrat de travail, dès lors qu’ils sont pris en charge par l’assurance chômage.

La Cour procède ensuite à une lecture historique et téléologique du dispositif. Elle revient sur le contexte de création de la portabilité, consacré par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Elle entreprend ensuite, à la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi, et via l’analyse des débats parlementaires qui ont suivi, de lever le voile sur l’intention du législateur. Il ressort que le législateur a voulu sécuriser les parcours professionnels, éviter les ruptures de droits et favoriser la mobilité des salariés.

Dans cette logique, « afin de donner leur plein effet aux objectifs poursuivis par le législateur », elle juge que l’article L.911-8 doit être interprété en ce sens que la cessation de la période de portabilité des garanties est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées pendant la relation de travail ou durant la période de portabilité des garanties.

La Cour d’appel aurait donc du rechercher si l’arrêt de travail et le classement en invalidité de la requérante était consécutif ou non à la pathologie ayant justifié le premier arrêt de travail prescrit au cours de la période de portabilité des garanties et ayant donné lieu au versement de prestations sociales.

La Cour de cassation rappelle qu’elle a, à maintes reprises, jugé que « lorsque les salariés sont garantis collectivement, la cessation de la relation de travail est sans effet sur le versement des prestations immédiates ou différées, acquises ou nées durant cette relation ».

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