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Vaccins et SMS de von der Leyen: Bruxelles épinglé pour son manque de transparence

La Commission européenne n'a pas justifié de manière satisfaisante pourquoi elle refusait l'accès aux SMS échangés en pleine pandémie de Covid-19 entre sa présidente Ursula von der Leyen et le PDG de Pfizer, Albert Bourla, a estimé mercredi la justice de l'UE, infligeant un revers à l'exécutif bruxellois.

Le Tribunal de l'Union européenne, basé à Luxembourg, "fait droit au recours" intenté par une journaliste du quotidien américain New York Times pour avoir accès à ces documents, et annule l'acte par lequel la Commission a refusé cette demande.

La décision a été immédiatement saluée par le journal, qui y a vu "une victoire pour la transparence". "Les communications éphémères ne peuvent échapper à la vigilance de l'examen public", a-t-il souligné.

"Cela devrait servir de catalyseur pour que la Commission modifie enfin son attitude restrictive à l'égard de la liberté d'information", a réagi de son côté l'ONG Transparency International.

La Commission européenne a dit "prendre acte" de la décision et s'est engagée à fournir des explications "plus détaillées" pour se justifier.

Ces SMS, dont le contenu est toujours resté secret, ont été échangés au moment où le laboratoire Pfizer/BioNTech était le plus gros fournisseur de vaccins anti-Covid à l'Union européenne. Les contrats négociés par la Commission au nom des 27 États membres se chiffraient en milliards d'euros.

Cela a valu à Mme von der Leyen d'être la cible de plusieurs plaintes, dont l'une au pénal en Belgique pour "destruction de documents publics" et "corruption", à laquelle étaient associées la Pologne et la Hongrie. Cette plainte a été déclarée irrecevable en janvier par la cour d'appel de Liège (est de la Belgique).

Dans sa décision de mercredi, le Tribunal de l'UE pointe dudoigt la légèreté avec laquelle la Commission a refusé la demande de la journaliste du New York Times Matina Stevis, qui avait révélé en avril 2021 l'existence de ces échanges numériques.

- "Contenu substantiel" -

"Dans une telle situation, la Commission ne peut pas se contenter d’affirmer qu'elle ne détient pas les documents demandés mais doit présenter des explications crédibles permettant au public et au Tribunal de comprendre pourquoi ces documents sont introuvables", souligne la juridiction.

Elle juge aussi que la Commission n’a pas expliqué "de manière plausible" pourquoi elle aurait estimé que les messages échangés "ne contenaient pas d’informations substantielles".

Noeud du litige: Matina Stevis a souhaité se voir communiquer tous les SMS échangés entre Mme von der Leyen et M. Bourla entre le 1er janvier 2021 et le 11 mai 2022, en vertu d'un règlement européen de 2001 sur la possibilité d'accéder à des documents publics de l'UE. Le refus opposé par la Commission l'a poussée à saisir la justice européenne, avec le soutien de son journal.

Pour justifier son refus, la Commission européenne a affirmé être incapable de produire ces messages, à la durée de vie "éphémère". Ceux-ci n'ont pas été enregistrés et archivés en tant que documents publics, "faute de contenu substantiel", avait expliqué lundi devant la presse un responsable de l'exécutif bruxellois, assurant que "les SMS ne sont pas systématiquement considérés comme des documents publics".

Le tribunal a balayé ces arguments, jugeant qu'ils n'étaient pas avancés "de manière plausible".

Lors des plaidoiries à Luxembourg en novembre, un juriste chargé de défendre la Commission avait plaidé que les textos échangés n'entraient en aucun cas dans le cadre d'une négociation sur les conditions d'achat des vaccins.

- "Mise en garde claire" -

L'affaire a suscité une controverse au sein même des institutions européennes.

La médiatrice de l'UE, à l'époque l'Irlandaise Emily O'Reilly, avait demandé début 2022 au cabinet de Mme von der Leyen de s'efforcer de mettre la main sur les SMS.

"Il est clair (qu'ils) entrent dans le cadre de la législation européenne sur l'accès du public aux documents" et "le public peut y avoir accès s'ils concernent le travail de l'institution", avait-elle estimé, parlant d'un dossier "problématique".

Mercredi, plusieurs eurodéputés écologistes et de gauche ont renchéri sur ce thème. La décision de justice est "une mise en garde claire contre le manque de transparence de la présidente de la Commission", a réagi l'élu allemand Daniel Freund (Verts).

Durant la pandémie de Covid-19, l'UE a acheté ou réservé plus de la majorité de ses doses de vaccin au duo américano-allemand Pfizer/BioNTech, même si cinq autres fabricants ont vu leurs vaccins homologués par le régulateur européen.

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