Actualité Santé Française
"Ce n'est pas un caprice": quand les Antillais partent se faire soigner dans l'Hexagone
Les Antillais partent se faire soigner en métropole, cherchant des soins jugés plus fiables et personnalisés. Ce phénomène, désigné comme le 'taux de fuite', touche plusieurs spécialités médicales. Cependant, ce choix demande de lourdes préparations logistiques, bouleversant la vie des patients, comme Joëlle Fanny et Marina Maliapin, qui témoignent de leur parcours difficile et des frais engendrés. Les plateformes d'assistance comme Kayso offrent un soutien essentiel aux patients dans ces démarches.
Carla BERNHARDT - AFP/Archives
Chaque année, des centaines d'Antillais quittent leur île pour se faire soigner dans l'Hexagone, un phénomène que les autorités de santé appellent le "taux de fuite". Une décision rarement prise à la légère, entre perte de repères et quête de soins jugés plus sûrs.
En cette fin d'octobre rose, Joëlle Fanny, 44 ans, s'apprête à quitter la Martinique pour subir une nouvelle opération du sein, cette fois à l'Institut Gustave-Roussy de Villejuif, dans le Val-de-Marne.
"Ce n'est pas un caprice: c'est un choix parce que mon parcours en Martinique contre lecancer n'a pas été simple", confie cette mère célibataire de deux enfants, aide médico-psychologique au Lamentin.
Opération chirurgicale, examens médicaux, chimiothérapie, rééducation dans un centre spécialisé ou simple second avis: de nombreux patients des Antilles partent, par nécessité ou par choix, se faire soigner ailleurs.
Selon des chiffres de l'Agence régionale de santé (ARS) qu'a pu consulter l'AFP, un peu plus de 6% des patients de l'archipel quittent chaque année leur territoire, avec des pics selon la spécialité: 86% pour la chirurgie du poumon, par exemple.
"Plein de petites choses dans mon parcours ont fait que j'ai perdu confiance (...) Je ne me suis pas sentie écoutée, j'ai attendu trop longtemps certains examens, j'avais aussi besoin d'un deuxième avis", énumère Joëlle Fanny, persuadée que son île "manque de personnel".
"Pendant mon traitement, je n'ai jamais eu de suivi avec le même médecin. À chaque fois ça changeait", regrette-t-elle.
- Vies bouleversées -
Pourtant, ce départ bouleverse toute sa vie: l'organisation de la prise en charge de ses parents âgés, la scolarisation de ses enfants dans l'Hexagone, les dépenses à prévoir.
Parce que sa pathologie pourrait être suivie en Martinique, les frais annexes de son déplacement ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale.
Pour éviter d'affronter seule ces démarches, Joëlle Fanny a fait appel à Kayso, première plateforme d'assistance santé des Antilles-Guyane, lancée en février.
"L'histoire part de moncancer du sein en 2013", raconte sa fondatrice, Nathalie Chillan.
Celle qui avait déjà créé l'association Matété en 2018 pour aider les femmes atteintes ducancer du sein a vu émerger un besoin récurrent: "Beaucoup de femmes m'appelaient pour me demander si j'avais un hébergement possible, une aide pour le billet d'avion".
"Je me suis dit que dans ces moments-là, les ultramarins sont moins accompagnés", reprend-elle.
Kayso s'adresse à tous les patients, y compris aux hommes. "Certains atteints d'uncancer de la prostate préfèrent remettre ces opérations-là entre les mains de médecins de l'Hexagone, par souci de discrétion, mais aussi par peur que le nerf érectile soit touché", raconte-t-elle.
Guadeloupéenne, Marina Maliapin, 45 ans, est restée près de six mois dans l'Hexagone après quatorze mois d'errance médicale. Elle se souvient des mois de préparation avant son départ, à "essayer de trouver des solutions pour tous les problèmes logistiques".
Après six semaines d'hospitalisation en région bordelaise, elle a dû être hébergée plusieurs mois chez des proches. "Ne pas voir mes enfants, mon conjoint, ma famille, c'était dur!", confie-t-elle.
De retour et guérie, elle ne regrette pas d'être partie et se souvient surtout "des soins super réactifs, cette différence dans la prise en charge".
Coût total de ce semestre hexagonal, hors soins: "3.000 euros, auxquels on ajoute les factures qui continuent à courir à la maison!", dit-elle.
Selon l’ARS Guadeloupe, le "taux de fuite", en légère baisse depuis 2019, concernait encore près d'une quarantaine de spécialités en 2024, notamment la chirurgie (7,9%) et la médecine générale (5,8%).
Lexique
Prédisposition génétique (entre 5 et 10% des cancers du sein),
Hyperestrogénie : c'est un cancer hormonodépendant),
Absence de grossesse ou grossesse de survenue tardive (après l'âge de 30 ans),
Surpoids, obésité et consommation excessive d'alcool (par hyperestrogénie secondaire),
Ménopause tardive ou 1ères règles précoces,
Antécédent de mastopathie bénigne,
Antécédent de radiothérapie thoracique.
stade I : tumeur localisée uniquement au sein, les ganglions axillaires ne sont pas envahis,
stade II : envahissement des ganglions axillaires,
stade III : d'autres aires ganglionnaires sont atteintes,
stade IV : présence de métastases dans d'autres organes.
L'âge (l'incidence du cancer de la prostate augmente avec l'âge), -> les antécédents familiaux de cancer de la prostate,
les antécédents de vasectomie...
Stade T (tumeur)
* T1 correspond à une tumeur non perçue au toucher rectal (découverte histologique fortuite) : T1a (stade A1) et T1b (stade A2) correspondent à des cancers découverts incidemment lors de l'examen du tissu prostatique obtenu au cours d'une intervention pour adénome bénin de la prostate (a : < à 5% du tissu examiné ; b : > à 5% du tissu examiné ) ; T1c correspond à des cancers découverts par biopsies faites en raison d'une élévation suspecte du taux de PSA,
* T2 correspond à un cancer palpable au toucher rectal et qui semble localisé à la glande, intéressant un seul (T2a ou stade B1) ou les 2 lobes (T2b ou stade B2) de la prostate,
* T3 correspond à un cancer qui s'étend en dehors de la prostate (T3a ou stade C1) et/ou aux vésicules séminales (T3b ou stade C2),
* T4 correspond à un cancer qui a envahi les organes adjacents à la prostate (vessie, rectum, muscle).
Stade N (nodes ou ganglions)
* N0 : pas de ganglions,
* N1 : envahissement d'un ou de plusieurs ganglions du petit bassin.
Stade M (métastases)
* M0 pas de métastases à distance,
* M1 à la présence de métastases en dehors du petit bassin [ganglions (M1a), os (M1b), autres localisations (M1c) comme poumons, foie ou cerveau].