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Cancers colorectaux chez les jeunes: le microbiote intestinal scruté à l'Institut Pasteur
Des études menées à l'Institut Pasteur s'intéressent à l'augmentation du cancer colorectal chez les jeunes en lien avec le microbiote intestinal et l'alimentation ultra-transformée. Les chercheurs examinent comment des additifs comme les émulsifiants altèrent le microbiote et augmentent le risque de maladies inflammatoires chroniques, potentiellement transmissibles aux générations suivantes. Les résultats pourraient influencer les réglementations sur l'utilisation d'additifs alimentaires dans l'industrie. La campagne Pasteurdon 2023 vise à sensibiliser le public à ces enjeux de santé.

PATRICK KOVARIK - AFP/Archives
Un riche microbiote intestinal préserve-t-il ducancer colorectal, et l'alimentation ultra-transformée, en altérant le microbiote, favorise-t-elle l'apparition de cette maladie, en hausse chez les jeunes? Ces questions sont au coeur de nouvelles recherches menées à l'Institut Pasteur.
Lecancer colorectal fait partie des sixcancers (dont ceux du cerveau, du rein, du sein...) dont l'incidence a augmenté parmi les 15-39 ans en France de 2000 à 2020, selon Santé publique France, suscitant l'inquiétude.
Si le fait qu'un mode de vie sain réduit les risques est bien connu - éviter tabac et alcool, manger varié et équilibré, faire de l'activité régulière...-, le lien, encore méconnu, entrecancer colorectal et microbiote intestinal fait l'objet de nombreuses recherches.
Ecosystème complexe de micro-organismes qui vivent dans notre intestin, le microbiote intestinal est essentiel à notre bonne santé: digestion, immunité, protection de la muqueuse intestinale...
On sait que notre régime alimentaire influence sa composition et son fonctionnement: un microbiote déséquilibré peut favoriser l'inflammation et la production de substances toxiques, déréguler notre système immunitaire et ainsi augmenter les risques de développer descancers dont lecancer colorectal.
A l'Institut Pasteur, à Paris, le chercheur Benoit Chassaing, directeur de recherche Inserm, dirige le laboratoire "Interactions Microbiote-hôte" -créé il y a un an-, où il explore l'influence de l'alimentation moderne sur le microbiote intestinal et son lien avec lecancer colorectal notamment.
"Nous étudions beaucoup les agents émulsifiants, les additifs les plus couramment utilisés pour allonger la conservation et améliorer la texture des produits: les crèmes glacées, les pains de mie, les barres chocolatées, les vinaigrettes... Nous avons pu montrer qu'ils altèrent le microbiote", explique le scientifique.
- "Transmis à la génération d'après" -
Fin juillet, la revue Nature communications a publié une étude Inserm/Institut Pasteur de son équipe, montrant que chez la souris, la consommation d'additifs alimentaires par la mère altère le microbiote des descendants, augmentant le risque de développer des maladies inflammatoires chroniques.
Des souris femelles ont été exposées à des émulsifiants très courants (E466, E433) 10 semaines avant la gestation, puis pendant lagrossesse et l'allaitement. Et les chercheurs ont noté une altération du microbiote des souriceaux: une augmentation de bactéries flagellées, susceptibles de déclencher une réponse inflammatoire.
"Nos travaux montrent que chez la souris, ce microbiote en mauvaise santé est transmis à la génération d'après: ces enfants récupèrent des mauvaises bactéries qui les rendent très susceptibles à l'âge adulte de développer des maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, des dérégulations métaboliques et l'obésité", dit le chercheur.
Or certains de ces émulsifiants "se retrouvent également dans le lait en poudre et des aliments pour les jeunes enfants", note-t-il.
Des essais cliniques sur l'homme restent à mener, dans le but d'adopter un jour des réglementations favorisant l'utilisation, par l'industrie agroalimentaire, "d'additifs inoffensifs et l'arrêt de celle d'additifs délétères", poursuit M. Chassaing.
Son équipe étudie aussi la couche de mucus qui tapisse la paroi des intestins: normalement stérile, elle peut, lorsque le microbiote est perturbé, être colonisée par des bactéries favorisant l'apparition de lésions précancéreuses, puis d'uncancer colorectal.
Dans le laboratoire, une pièce abrite le microbiote "in vitro", avec lequel l'équipe mène d'autres recherches. Chauffé à 37 degrés Celsius, dépourvu d'oxygène, il reproduit les conditions de l'intestin: derrière une paroi de plastique, 48 petits compartiments reçoivent des bactéries qui se nourrissent de bol alimentaire (masse alimentaire mastiquée ndlr), comme pendant la digestion.
On peut y observer la réaction de 48 microbiotes singuliers à des additifs alimentaires: on voit si l'un est plus sensible que l'autre à l'impact de ces composants de l'alimentation ultra-transformée -aujourd'hui testés avant commercialisation pour leur toxicité et leur impact sur l'ADN, mais pas sur le microbiote.
Le 8 octobre, l'Institut Pasteur ouvrira son campus parisien au grand public, en lançant la 19e édition du Pasteurdon, sa campagne annuelle de collecte de dons.

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