Actualité Santé Française
"Une bulle": à Nancy, une chanteuse lyrique enveloppe de sa voix les prématurés
À Nancy, une initiative innovante allie musique et soins pour les bébés prématurés. Une chanteuse lyrique intervient en réanimation, apportant réconfort et lien aux familles. Avec les nouvelles habitudes des parents, il est crucial de réintroduire la voix et la mélodie dans le quotidien des jeunes patients. Porté par le CHRU et l'Opéra de Lorraine, ce projet met en lumière l'importance de l'expérience artistique pour améliorer le bien-être des bébés et de leurs parents.

Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
"Mon bébé, si joli...": dans une chambre d'hôpital de Nancy, la voix d'une chanteuse lyrique apporte une parenthèse apaisante aux nouveau-nés prématurés, une rencontre entre soin et art lyrique née d'un partenariat entre le CHRU et l'opéra.
Aline Martin, mezzo-soprano dans les choeurs de l'Opéra national de Lorraine, s'installe face à une maman portant, sur son corps, son bébé né prématurément. Après avoir discuté avec elle quelques minutes, elle se met à chanter.
Entre airs classiques de Walt Disney, comptines, un "Ave Maria" ou le cantique "Amazing Grace", l'intervenante dispose d'un large répertoire pour satisfaire les envies des parents et développer la curiosité des tout petits, qui souvent ouvrent un oeil ou sourient.
"Les vibrations de la voix, notamment la voix lyrique, ont quelque chose d'enveloppant pour les bébés", constate l'artiste, qui n'utilise pas tout le potentiel de ses cordes vocales, et doit d'ailleurs veiller à chanter tout bas, pour ne pas "effrayer" enfants... ou parents.
Selon elle, la voix berce les bébés, qui tombent "quatre fois sur cinq" dans un sommeil profond.
Pédiatre et co-responsable du service, Mathilde Queudet loue les bienfaits du chant pour les bébés prématurés, "démontrés dans la littérature depuis plusieurs années". "Ca les apaise, ça ralentit leur fréquence cardiaque, ça améliore le sommeil et le passage en sommeil profond", énumère la médecin.
- Eveil de l'enfant -
"L'apaisement" est aussi souvent le premier bénéfice mis en avant par les mères qui bénéficient de ce mini-concert à l'hôpital.
"Ca apporte de la légèreté, du bonheur", estime Tiphaine Robert, 29 ans, maman de Nora, née le 6 septembre.

Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
La première fois qu'Aline Martin a chanté pour Nora, "on a dû continuer à chanter tout l'après-midi avec mon conjoint", sinon le nourrisson "râlait dès qu'on s'arrêtait", sourit sa maman, qui dit son "plaisir" de revivre l'intervention.
"On sent aussi que ça participe à son éveil, elle ouvre un peu les yeux, gigote un peu", observe-t-elle.
Dans une chambre où "le bruit des machines" ne s'arrête jamais, "c'est important pour le bien-être des bébés", loue également Emma, maman d'Iris, née le 7 septembre, avec deux mois et demi d'avance.
En dehors des "bip" incessants des appareils, "les journées sont longues et silencieuses" à l'hôpital, "on est toujours dans l'expectative", constate Patricia Didier, maman de Tom, né à 32 semaines.
Dès lors, le concert "apporte un petit peu de joie, constate la mère, dont le tout-petit a "ouvert les yeux" dès les premières notes et "a souri tout le long".
- "Petite soupape" -
Pour le docteur Queudet, le chant renforce le lien parents/enfant: même si les parents ne chantent pas eux-mêmes, cela "fait germer une graine" et l'idée qu'ils pourront fredonner à leur tour.

Jean-Christophe VERHAEGEN - AFP
Une idée d'autant plus bienvenue que les parents d'aujourd'hui, "connectés à leur smartphone", "ne chantent plus comme avant pour leur bébé" et se contentent parfois de chercher pour lui des musiques sur YouTube, déplore Aline Martin.
En réanimation ou en soins intensifs, le "public" de la chanteuse lyrique est hospitalisé pour des durées très variables, de quelques jours à plusieurs mois.
En réanimation, un "milieu très particulier", "le lien, l'attachement sont mis à rude épreuve", souligne la pédiatre. Le moment suspendu avec l'artiste est alors "une petite bulle, une petite soupape qu'on leur offre, une opportunité en plus de vivre quelque chose d'unique avec leur enfant".
Un an après la signature d'une convention entre le CHRU (centre hospitalier régional universitaire) et l'Opéra de Lorraine pour "inscrire la voix dans le parcours de soins", l'enjeu est aujourd'hui "d'élargir ces actions", explique Fedoua Bayoudh, responsable du service de l'éducation artistique et culturelle de l'opéra, qui gère ce projet.
Selon l'Inserm, 6,9% des bébés naissent prématurément en France.